Accueil » Les artistes » Hans Hartung
Hartung est communément présenté comme porte-drapeau de l’« École de Paris » et de l’« abstraction lyrique » et considéré avant tout comme un peintre d’après-guerre. L’ampleur de sa carrière est en réalité bien plus large.
Après avoir envisagé adolescent d’être pasteur puis astronome, il se découvre une fascination pour les taches et pour Rembrandt. Dès 1922, âgé d’à peine 18 ans, il produit une série d’aquarelles frappantes par leur pure expressivité. C’est le début d’une carrière qui durera près de soixante-dix ans et sera rythmée par d’incessantes innovations techniques.
Dès la fin des années 1930, l’artiste, né à Leipzig en 1904, a déjà participé à de nombreuses expositions dans toute l’Europe et intègre la prestigieuse collection américaine d’Albert Eugene Gallatin à Philadelphie. Son abstraction est, à son premier stade, très libre et gestuelle. En revanche, quand il travaille sur toile, il se sert de ces premiers états et les reporte sur le support par une lente et minutieuse mise au carreau – d’où l’impression d’une « spontanéité calculée ».
Après un séjour aventureux à Minorque où il est accusé d’espionnage, quelques démêlés avec la Gestapo, il fuit l’Allemagne, s’installe à Paris, divorce d’avec Anna-Eva Bergman en 1938 après neuf ans de mariage, s’engage dans la Légion étrangère pour lutter contre Hitler, se réfugie en zone libre, puis en Espagne où il est incarcéré, se réengage dans la Légion en 1943 et perd une jambe au combat. Démuni et partiellement invalide, il croit avoir été « floué » par le destin, selon ses mots, mais devient rapidement une grande figure de la scène artistique dans les années 1950. Dans un contexte très favorable à l’art abstrait, il en est perçu comme un des principaux chefs de file aux côtés de ses amis Pierre Soulages ou Zao Wou-Ki. Hartung recroise le chemin d’Anna-Eva Bergman en 1952. Ils reprennent leur relation, se remarient. D’abord installés dans leur atelier de la rue Gauguet à Paris, ils font le projet de concevoir sur la Côte d’Azur une villa-atelier où chacun pourrait travailler dans un espace parfaitement adapté à ses besoins. En 1973, après cinq ans de construction, le couple s’installe au « Champ des Oliviers », à Antibes.
À compter de 1960, Hartung, qui vient d’être gratifié du grand prix de la Biennale de Venise, utilise des peintures acrylique ou vinylique au temps de séchage plus rapide, abrase et griffe la matière, et crée des atmosphères vaporeuses, éthérées par pulvérisation. Il est l’objet d’expositions de grande envergure partout dans le monde, en 1969 au Musée national d’art moderne, à Montréal, à Houston, ou encore au Metropolitan en 1975. Son œuvre photographique est elle-même l’objet d’une exposition au centre Pompidou en 1982.
Dans les années 1980, il peint en particulier avec des pinceaux géants qu’il fabrique lui-même. Rattrapé par l’âge, dévasté par la disparition d’Anna-Eva en 1987, il perd en force physique à partir de 1986 mais travaille à l’aide de tyrolienne, de pistolet airless et de sulfateuses de jardin. Il projette sur la surface – parfois monumentale – des flux de peinture plus ou moins diluée en fonction des effets qu’il souhaite obtenir. Dans son atelier qui prend l’aspect d’une méta-œuvre, il réalise tantôt des tableaux très chargés chromatiquement, tantôt des entrelacs épurés de fines lignes avec courbes, contrecourbes, linéaments nets ou légèrement tremblés et saccadés. L’exactitude du geste, malgré la vieillesse, reste d’une prodigieuse virtuosité. Il meurt en le 7 décembre 1989