Anna-Eva Bergman (1909-1987)

Anna-Eva Bergman naît à Stockholm en Suède le 29 mai 1909 mais prend la nationalité norvégienne suite au divorce de ses parents. Elle est élevée par sa mère ou, plus exactement, par la branche maternelle de sa famille, au gré d’une enfance difficile, « sous le signe de la peur » comme elle le dira plus tard. C’est la pratique artistique, dès ses premières années, qui la sauve de la solitude et d’une succession de traumas.
Extrêmement précoce, elle se forme rapidement dans plusieurs prestigieuses institutions, sans qu’elle ne trouve toujours l’enseignement qu’elle reçoit à la hauteur de ses ambitions de liberté.
Elle fait ses études à l’Académie des Beaux-Arts d’Oslo (1927) et à la célèbre École des Arts Appliqués de Vienne (1928) puis, quelques semaines, dans l’atelier d’André Lhote à Paris. Là, en mai 1929, elle rencontre Hans Hartung, se marie avec lui. Ils voyagent énormément, entre euphorie de la jeunesse et innombrables difficultés d’argent, de santé et de persécution politique. Bergman attrape le typhus à Minorque, se fait opérer à plusieurs reprises, est même suspectée d’espionnage par les nazis. Elle gagne sa vie comme illustratrice pour la presse, journaliste et, en 1942, rencontre un petit succès avec son récit autobiographique Turid en Méditerranée. Soucieuse d’indépendance, souhaitant se consacrer totalement à sa quête picturale qui est chez elle une recherche d’absolu dans la continuité de maîtres comme Fra Angelico, Tintoret, Bach, Goethe, Turner ou Munch, elle a quitté Hartung en 1937. Ils se remarieront vingt ans plus tard. Elle manque de peu de mourir dans un incendie pendant la guerre, fuit dans les montagnes norvégiennes la réquisition des Allemands qui la réclament comme traductrice et travaille entre 1942 et 1952 à une approche tout à fait originale de la peinture fondée sur le primat de la ligne, la spiritualité, la construction au nombre d’or et l’usage de la feuille de métal. Au cours de l’été 1950, elle fait un voyage en bateau le long de la côte norvégienne, visite les îles Lofoten, le Finnmark, manifeste sa sensibilité pour la cause des indigènes sames. Ce voyage est décisif dans l’évolution de sa peinture. Avec la technique de la tempera, elle retrouve la transparence des paysages et la lumière du soleil de minuit. En 1951, suite à trois étés passés à Citadelløya (Sud de la Norvège), elle réalise des peintures et dessins sur la structure des rochers usés par la mer. De cette série, qu’elle nomme « Fragments d’une île en Norvège », est issu son premier motif : la pierre (1952). C’est une transition capitale de son travail. Sa peinture évolue ensuite vers la recherche d’un nombre restreint de formes simples : lune, astre, planète, montagne, stèle, arbre, tombeau, vallée, barque, proue ou miroir… Ces archétypes inspirés de la nature scandinave ou méditerranéenne, dotés d’une grande mobilité intrinsèque, changeant par légères variations plastiques, lui valent la reconnaissance de quelques très grands critiques de l’époque : Herta Wescher, Michel Seuphor ou Josef Paul Hodin et surtout Will Grohmann. Elle collabore avec la galerie de France, expose partout dans le monde à partir des années 1960 et développe pendant 25 ans un thème cardinal, celui de l’horizon. En Europe, elle a fréquenté Kandinsky, Mondrian puis Soulages, Miró ou Vieira da Silva ; aux États-Unis, où elle se rend plusieurs fois, elle croisera Mark Rothko, Ad Reinhardt ou encore Barnett Newman. Installée avec Hans Hartung à Antibes en 1973, elle travaille abondamment en épurant de plus en plus son vocabulaire visuel, en variant ses formats, en explorant les thèmes des vagues et des pluies. Elle meurt le 24 juillet 1987.