Anna-Eva Bergman

1909 – 1924 : Une jeunesse d’errance

Née en Suède le 29 mai 1909, Anna-Eva Bergman est ramenée après le divorce de ses parents dans le pays natal de sa mère : la Norvège. Elle y vit avec sa famille maternelle, entre le comté de Hardanger, berceau de ses ancêtres, et les environs d’Oslo. Ces premiers temps sont loin d’être simples. Non seulement elle ne connaîtra pas son père mais n’aura pas de foyer stable et ne verra pas sa mère, personnage crucial doté d’une forte personnalité, qu’épisodiquement. Enfant et adolescente, elle développe un grand sens de l’autonomie et, surtout, des qualités artistiques précoces.

1925 - 1929 : Une formation européenne

En 1925, elle a 16 ans quand elle choisit de se consacrer à des études artistiques. Débute alors une formation européenne : à l’École d’État pour l’art et l’artisanat et à l’Académie des beaux-arts d’Oslo jusqu’en 1927, à la prestigieuse École des arts appliqués de Vienne en 1928 (où sa scolarité est contrariée par des problèmes de santé), puis à l’académie privée du peintre André Lhote à Paris en 1929. Cette année-là, elle rencontre Hans Hartung et ils se marient le 28 septembre. Parmi les artistes favoris de Bergman figurent alors Edvard Munch, William Turner, Gustav Klimt et Egon Schiele.

1930 - 1939 : Une femme moderne

Excellente dessinatrice et conteuse, Bergman s’affirme comme illustratrice et journaliste. En parallèle, sa première exposition personnelle de peinture – figurative – lui est consacrée à la galerie Kühl à Dresde en 1932. Avec Hartung, ils s’installent aux Baléares entre 1933 et 1934 et y font construire une maison. Bergman est une femme moderne, d’une grande autonomie d’esprit, menant sa carrière avec résolution. Elle a néanmoins des problèmes de santé engendrant des opérations et plusieurs convalescences entre Berlin, Paris et la Riviera. Le 14 avril 1937, elle envoie une lettre de rupture à Hartung, motivée par un désir d’indépendance.

1940 - 1952 : Le temps des explorations

La Seconde Guerre Mondiale est une dure période où elle retourne en Norvège, sévèrement occupée. Elle continue l’illustration et ses caricatures antinazies. Remariée, elle a pour beau-père l’architecte Christian Lange avec qui elle partage un intérêt pour la section d’or. Il l’initie entre autres à la pose des feuilles de métal. Suivent des années de grandes explorations. Elle recommence à peindre et à écrire intensément, entament un cheminement vers l’abstraction après-guerre. En 1950, elle entreprend seule un voyage en Norvège. Ses réflexions sur la lumière, la ligne et les formes la font basculer définitivement vers l’« art d’abstraire ». En 1952, elle se rend dans Berlin en ruines et y voit de nombreux artistes puis revient à Paris où elle retrouve Hartung, quinze ans après leur rupture.

 

1953 - 1960 : Le retour à Paris

En 1953, elle emménage avec Hartung dans un atelier rue Cels. Le retour à Paris coïncide à un retour au cœur du monde culturel, par exemple auprès de son amie Terry Haass, de Germaine Richier, de Pierre Soulages. Bergman connaît alors un épanouissement artistique décisif en faisant mûrir un vocabulaire visuel fondé sur le dépouillement, les jeux d’équilibre, la lumière et le « passage » (un de ses termes favoris) en recourant à des termes cosmiques et telluriques : pierre, astre, arbre, feu… Elle expose en France et à l’international. En 1959, elle s’installe avec Hartung rue Gauguet où elle dispose d’un atelier lui permettant d’amplifier ses formats.

1961-1972 : De nouveaux horizons

Tandis qu’elle acquiert en 1961 avec Hartung un terrain à Antibes destiné à accueillir leur villa-atelier puis, après leur mort, la Fondation qui leur est consacrée, Anna-Eva Bergman continue, pendant la décennie 1960, ses voyages : en Espagne, aux États-Unis (où elle rencontre notamment Mark Rothko, Ad Reinhardt ou Barnett Newman) et en Norvège. À ces multiples horizons géographiques fait écho l’horizon comme nouveau thème de sa gravure et de sa peinture, un thème qui va progressivement prendre une place considérable dans son esthétique et signifie à ses yeux : « l’éternité, l’infini ». En 1970, elle réalise une série à l’encre fondamentale : ses « Pierres de Castille ».

1973 - 1976 : Les lumières du Sud

En 1973, Anna-Eva Bergman s’installe à Antibes, dans une villa bercée par l’atmosphère du Sud de la France, qu’elle fréquente régulièrement depuis 1929. Elle y bénéficie enfin d’un atelier très lumineux et spacieux, et elle peut y travailler plus confortablement et sereinement, en s’imprégnant de son environnement. Ses gammes colorées sont plus restreintes et ses formes gagnent en simplicité. Deux nouveaux thèmes font leur apparition : les vagues et les pluies. Elle continue la gravure et en publie notamment onze dans L’Or de vivre du poète Jean Proal. Elle expose entre autres à Venise, Milan, Paris ainsi qu’à Nice, à la galerie Sapone.

1977 - 1987 : La consécration finale

Anna-Eva Bergman connaît la consécration lors des années ultimes : elle est exposée en 1977 à la Galerie de France à Paris et au musée de l’Abbaye de Sainte-Croix aux Sables d’Olonne, en 1977-1978 au Musée d’art moderne de la ville de Paris, en 1979 au Henie Onstad Kunstsenter à Høvikodden en Norvège et au Helsingin Kaupungin Taidekokoelmat à Helsingfors en Finlande, en 1981-1982 à la Kunsthalle de Düsseldorf et à la Staatsgalerie Moderner Kunst de Munich, en 1986 au musée Picasso d’Antibes et en 1987 à la Hochschule für Angewandte Kunst à Vienne. Elle travaille à ses mémoires, qu’elle n’aura pas le temps de publier. Sa peinture se réinvente encore et fait souvent la part belle à la ligne pure. Elle meurt en juillet 1987. Sa dernière toile fut un horizon.