« Arts et Féminismes 7: La fabrique des corps » du 29 au 31 août 2013

Sur une proposition de Cécile Proust. Conception et organisation: Christine Lamothe, Hervé Coste de Champeron et Elsa Hougue.

Comment les pratiques corporelles, la performance, la danse, en lien avec les théories féministes et les questions de genre, nous aident à penser cette fabrique.

« Cette année, nos réflexions porteront sur la construction des corps à travers la médecine, les soins, les pratiques corporelles, somatiques, sportives, artistiques, les vêtements et les parures.  Quelles idées, rêves, imaginaires et idéologies sous-tendent ces constructions ? Comment la performance et la danse s’emparent-elles de ces questions?

Notre corps nous appartient, Notre corps nous-mêmes, Votre corps est un champ de bataille, Notre corps ne sera plus votre capital, Leur société est construite sur nos corps, Aucune loi ne passera sur nos corps.  Ces slogans féministes crient les oppressions, les luttes et les revendications dont le corps des femmes est l’enjeu.
Le corps, s’il peut être le creuset de l’oppression, est aussi le lieu par lequel il est possible de s’émanciper. Le corps est politique et il est action.

De quel corps parle-t-on? Par qui, pour qui, comment le corps est-il façonné, discipliné, contrôlé, contraint? Quel corps résistant, militant, luttant, combattant, œuvrant se forge ? Quels plaisirs s’y déploient ?

«  La théorie est toujours et en même temps pratique et la pratique théorique » [Elsa Dorlin, entretien avec Marion Rousset, Frantz Fanon, la lutte des corps, regards numéro de décembre 2011.]

Venant du champ de la danse, j’ai désiré inviter les chercheuses, Christine Bard, Nathalie Ernoult, Catherine Louveau, Julie Perrin, Catherine Gonnard et l’artiste ORLAN qui, toutes, questionnent, fouillent, troublent, bousculent, transforment le corps.

Pour ouvrir ce séminaire, la fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman propose une visite des ateliers avec Christine Lamothe et Hervé Coste de Champeron. Marianne le Galliard, qui travaille sur les fonds d’archives de la fondation, interviendra à partir des bases de données lors de la première communication du séminaire. »

Cécile Proust


PROGRAMME

Jeudi 29 août

Après-midi
16h30 – 17h15
Christine Lamothe
: Visite de l’atelier d’Anna-Eva Bergman

– 17h30 – 18h15
Hervé Coste de Champeron
: Visite de l’atelier de Hans Hartung

– 18h30 – 19h15
Christine Lamothe, Cécile Proust, Catherine Gonnard
: Présentation du séminaire

Catherine Gonnard a dirigé pendant trois ans le séminaire Arts et féminismes à la fondation Hans Hartung – Anna-Eva Bergman sur le thème des archives audiovisuelles dans le cadre des » gender studies « .

Vendredi 30 août

Matin
– 9h30 – 10h30
Marianne le Galliard
: La vision avedonienne  de  ʺ la femme  des années vingt ʺ chez Lartigue : les jeux de l’apparence

– 11h00 – 12h00
Christine Bard
: Des Femen aux suffragettes

Après-midi
– 14h30- 15h30
Nathalie Ernoult
: « Trouble dans le genre », l’ambivalence sexuelle de la femme à barbe dans les représentations

– 16h00 – 17h30
ORLAN
: FEMMES AVEC TÊTE(S)

Samedi 31août

Matin
– 10h00 – 11h00
Catherine Louveau
: Femmes, corps sportif, normes de genre

– 11h30 – 12h30
Julie Perrin
: Yvonne Rainer : du neutre au lesbianisme politique

Après-midi
– 14h00 – 17h00
Cécile Proust
: Écoute blanche

18H00 – 19h00
Conclusion

 

Résumé des communications et présentation des intervenantes

Marianne le Galliard

La vision avedonienne  de  ʺ la femme des années vingt ʺ  chez Lartigue : les jeux de l’apparence.

Selon Deleuze, dans Proust et les signes, parlant du milieu mondain : « Il n’y a pas de milieu qui émette et qui concentre autant de signes, dans un espace aussi réduit, à une vitesse plus grande. » Les signes sont trompeurs chez Lartigue et la photographie témoigne de ce style de vie, une vie de loisir, riche en production de signes. Richard Avedon, lors de la conception de la première monographie sur l’œuvre de Lartigue, en est conscient. En 1970, à la sortie du livre Diary of a century, qui regroupe pour la première fois toute l’œuvre encore méconnue de Lartigue de 1902 à 1968, Avedon est déjà consacré comme le grand photographe de mode contemporain avec Irving Penn. Les signes, Avedon les maîtrise. La mode n’est que surface et la photographie n’est que manipulation de cette surface, comme il aime le répéter. Avec Lartigue, il dispose non seulement d’une œuvre volumineuse et extrêmement riche (journaux, carnets, albums), mais en plus, parfaitement homogène. En effet, les clichés des années vingt représentent en majorité des jeunes femmes, vêtues de toilettes en vogue, joliment apprêtées, variant les poses et les gestuelles, dans des décors dédiés à la représentation (Chamonix, Nice, Avenue du Bois de Boulogne…) La vision avedonnienne de ʺ la femme des années vingt ʺ chez Lartigue s’inscrit dans une histoire de la mode : la garçonne, la sportive, la femme au volant, passionnée de vitesse… Hors contexte, les images du livre fonctionnent comme des symboles, immuables et emblématiques. En réalité, la femme chez Lartigue est au fait des codes de bienséance, elle performe, elle joue avec les signes. Les albums agissent sur un mode ostentatoire, où tout le monde fait plus ou moins semblant (de fumer, de conduire, de plonger). Par la photographie, Lartigue construit tout un abécédaire visuel autour de la question de l’allure « libérée », celle qu’il convenait d’adopter pour les femmes bourgeoises. La grande préoccupation alors était de faire signe, de se donner l’air. En cela, ʺ la femme des années vingt ʺ chez Lartigue est bel et bien une femme à la mode, mais dans un registre performatif et foncièrement démonstratif.

Marianne le Galliard travaille sur les fonds d’archives de la fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman. Doctorante en histoire de l’art contemporain à Paris 1, elle rédige actuellement une thèse sur les albums du photographe Jacques Henri Lartigue, analysés à travers la vision d’Avedon. Parallèlement à ses recherches, elle développe des bases de données en tant que conseillère de la Fondation de France (Lartigue, Arbus, Mission Photographique de la Datar…) Elle a notamment développé la base sur Lartigue, prenant en compte l’ensemble de l’œuvre iconographique (15 000 pages d’albums, 120 000 négatifs…) ainsi que les archives (8000 lettres, le  journal de 1910 à 1986).

 

Christine Bard

Des  Femen aux suffragettes

À la lueur de l’histoire et de la sémiologie, comment décoder les corps féministes d’hier et d’aujourd’hui ? Par quels signes expriment-ils la révolte, la transgression de la norme, l’affirmation de la liberté individuelle, l’égalité avec les hommes ? Par la masculinisation ? La féminité revendiquée ? Le pantalon ? La jupe ? Comment font-ils avec la loi du genre ? Avec la sexualisation de l’image féminine ? Impossible d’analyser la production du corps féministe et de ses identifiants sans prendre en compte la culture misogyne dans laquelle il fait irruption : le corps féministe est fortement stigmatisé dans les réactions antiféministes. Cet imaginaire laisse toutefois la possibilité de détourner des images puissantes (la vierge forte, l’amazone, la sorcière…). Je proposerai un imagier (en tenant compte du point de vue du producteur/de la productrice de l’image), nous offrant de quoi travailler sur ce qui du corps est montré/caché, sur les poses et les gestes, l’expression du visage, les choix vestimentaires, etc. Le corps féministe est-il toujours un drapeau ? Nous verrons qu’il y a bien des manières d’incarner ce combat militant.

Christine Bard est professeure d’histoire contemporaine à l’Université d’Angers, membre de l’UMR CERHIO (Centre de recherches historiques de l’Ouest). Elle travaille sur l’histoire politique, sociale et culturelle des femmes et du genre (parmi ses ouvrages : Les Filles de Marianne ; Les Garçonnes ; Les Femmes dans la société française au 20e siècle ; Ce que soulève la jupe. Identités, transgressions, résistances ;Une histoire politique du pantalon ; Le féminisme, au-delà des idées reçues ; Les insoumises. La révolution féministe ; Histoire des femmes dans la France des XIXe et XXe siècles). Elle préside l’association Archives du féminisme et dirige la collection « Archives du féminisme » aux Presses universitaires de Rennes. Elle dirige la structure fédérative de recherches Confluences à l’Université d’Angers et développe actuellement un projet interdisciplinaire sur les discriminations sexistes et homophobes.

 

Nathalie Ernoult

« Trouble dans le genre »,

l’ambivalence sexuelle de la femme à barbe dans les représentations

Aussi variés soient-ils selon les époques, les canons plastiques de la représentation du corps humain permettent d’identifier le sexe du personnage figuré. Représenter une femme à barbe établit alors une rupture avec les codes esthétiques qui définissent les signes de l’identité sexuelle et mettent en évidence la perméabilité des frontières entre les sexes et les genres.

En Europe, la religion catholique connaît une Sainte Wilgeforte surnommée « La vierge barbue ». En Espagne, Juan Sanchez Cotan réalise en 1590 le portrait particulièrement viril d’une célèbre femme à barbe venant d’arriver à la Cour de Madrid, Brigida del Rio. En 1631, le peintre Jusepe Ribera réalise le portrait de Magdalena Ventura, femmepourvue d’une épaisse barbe noire, donnant le sein à son fils.

Après une longue absence, l’iconographie artistique de la femme à barbe renaît au début du vingtième siècle. Il est inauguré en 1919 par Marcel Duchamp qui réalise un ready-made en ajoutant moustache et barbichette au portrait de la Joconde sur une carte postale.

Dans les années 1970, ce sont les artistes femmes qui s’emparent de l’iconographie de la femme à barbe.Refusant de se laisser piéger dans une représentation du féminin construit par les hommes, Eleanor Antin, dans sa performance The King, 1972, étudie la construction de l’identité sexuelle en se métamorphosant en homme particulièrement puissant, le roi.

Lors de Facial Hair Transplant,performance de 1972, Ana Mendietacolle sur son visage la barbe de son ami Morty Sklar, afin de capter sa force virile. LesSelf-hybridations d’ORLAN cherchent àsupprimer les frontières entre cultures, couleurs de peau, générations, sexes.Catherine Opie dans sa série de photographies Being and having, 1991 – 13 portraits couleurs en gros plans d’amies butch arborant fausses moustaches et fausses barbes – questionne la différence des sexes à travers le désir lesbien et l’esthétique queer. Preserved Head of a Bearded Woman (Musée Orfila),1991 de Zoé Leonard, tente de redonner sa dignité à la femme à barbe rejetée par la société. En représentant une femme à barbe, attribut masculin par excellence,l’artiste cherche à transgresser une image préétablie par les stéréotypes et les normes.

Nathalie Ernoult est attachée de conservation au Musée national d’art moderne. Elle a réalisé́ en 1996 une thèse de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales sur : Les femmes dans la cité platonicienne : La République et les Lois, sous la direction de Nicole Loraux. Chercheuse associée au laboratoire ANHIMA, elle enseigne l’histoire grecque à l’université Paris 7 Denis Diderot. Dans le cadre de sa fonction au musée, elle a notamment travaillé sur l’exposition les artistes femmes dans les collections :elles@centrepompidou. Elle a aussi participé à de nombreuses publications de catalogues d’expositions.

 

ORLAN

FEMMES AVEC TÊTE(S)

MON ŒUVRE INTERROGE LE STATUT DU CORPS DANS LA SOCIETE VIA LES PRESSIONS CULTURELLES, POLITIQUES, ET RELIGIEUSES QUI S’IMPRIMENT DANS LES CORPS EN PARTICULIER FÉMININS

CHAQUE CIVILISATION A FABRIQUÉ LES CORPS

LE CORPS N’EST PLUS CE READY MADE QU’IL SUFFIT DE SIGNER, D’ADMETTRE, D’ACCEPTER

ET L’ANATOMIE N’EST PLUS LE DESTIN

PLUSIEURS DE MES SÉRIES  D’ŒUVRES TENTENT DE POINTER, DE DÉRÈGLER LES MODÈLES DONNÉS PAR LES IDÉOLOGIES DOMINANTES DU MOMENT

ET DE SORTIR DU CADRE DE ME RÉINVENTER DE ME RESCULPTER

MON INTERVENTION EST UNE PAROLE D’ARTISTE QUI TENTE D’INVERSER LE PRINCIPE CHRÉTIEN DU VERBE QUI SE FAIT CHAIR AU BÉNÉFICE DE LA CHAIR QUI SE FAIT VERBE (MON MANIFESTE DE L’ART CHARNEL LE DIT)

MA CONFÉRENCE PREND APPUI SUR LE CORPS DE MES ŒUVRES ET MONTRERA MA FABRIQUE  DE CORPS ET DE SES IMAGES

MON ŒUVRE COMME SFUMATO ENTRE  PRÉSENTATION ET REPRÉSENTATION

FIGURATION ET REFIGURATION


ORLAN est née à Saint-Etienne, France. Elle vit et travaille entre Paris, Los-Angeles et New-York. Elle explore différentes techniques : la photographie, la vidéo, la sculpture (en résine, marbre et sculpture gonflable), le dessin, l’installation, la performance, la biotechnologie etc…). Elle est la première artiste à utiliser la chirurgie comme médium artistique de 1990-1993.

Plusieurs rétrospectives lui ont été dédiées:

2002, FRAC des Pays de la Loire, France, curateur: Jean-François Taddéi; Centro de Fotografia, Salamanca, Museum Artium, Victoria, Espagne, curateurs: Olga Guinot and Juan Guardiola.

2004, CCC (Centre de Création Contemporaine), Tours, France, curateur: AlainJulien-Laferrière; Centre National de la Photographie, Paris, France, curateur: Régis Durand.
2007, Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne, France, curateur: Lorand Hegyi.
2008, Tallinn Art Hall,Estonie, curateur: Eugenio Viola.
2010, Prometeo Gallery, Milan, Italie, curateur: Eugenio Viola; Prometeo Gallery, Eglise San Matteo Lucca, Italie, curateur: Eugenio Viola.

Elle a participé à de nombreuses expositions:

États Unis: Andy Warhol Museum, Pittsburgh ; LACMA et MOCA, Los Angeles; PS1, New York; Bass Museum, Miami ; Milred Kemper Art Museum, Saint-Louis, Missouri ; Sheldon Museum, Lincoln, Nebraska ; The Schmidt Center Gallery Public Space, Florida Atlantic University, Boca Raton ; Belgique : M HKA Museum, Antwerpen ; Canada: Art Gallery of Vancouver ; Italie: MADRE Museum, Napoli ; Palazzo Strozzi, Florence; Palazzo delle Esposizioni, Rome; Palazzo Grassi et Palazzo Franchetti, Venice ; France et Paris: Centre Georges Pompidou, Centre National de la Photographie, Palais de Tokyo, Maison Européenne de la Photographie… ; Allemagne: Musée de Kunst , Ahlen; KW Institut d’Art Contemporain, Berlin; Städtische Galerie, Karlsruhe ; Autriche: Kunsthalle et MAK, Viennes ; Luxembourg: Casino du Luxembourg ; Espagne: Fondation Miro, Barcelone, Musée d’art Contemporain, Vittoria; Musée de la Photographie, Salamanque; MACBA, Madrid ; Suisse: Musée de l’Elysée, Lausanne ; Russie: Maison de la Photographie, Laboratoria Art & Science Space, Moscou ; Corée du Sud: Center Hall of the National Museum of Contemporary Art, Seoul; Japon : Red Brick Warehouse, Yokohama The National Museum of Art, Osaka, etc…

Monographies Principales :

Ricardo Arcos-Palma, Nicolas Bourriaud, Michael La Chance, Art Charnel et Corps Obsolète / Hybridations et Refigurations, Editions Museo de Antioquia, 2012. Anne Morelli, Johan Muyle, Pierre Olivier Rollin, Est-ce que vous êtes Belge? ORLAN, Bruxelles, Yellow Now/ENSAV La Cambre, 2012. Blandine Chavanne, Christine Buci-Glucksmann and Camille Morineau, Un Boeuf Sur la Langue, Lyon, Éditions Fage, 2011. Rhonda K. Garelick and Jorge Daniel Veneciano (editeurs), Homi K. Bhabha, Michel Serres, Isabel Tejeda, Paul Virilio, Lan Vu, Faboulous Harlequin, ORLAN and the patchwork self, Lincoln, NE, The University of Nebraska Press, 2010. Simon Donger and Simon Sheperd (editeurs), Gianna Bouchard, Christine Buci-Glucksmann, Howard Caygill, Simon Donger, Sander L. Gilman, Markus Hallensleben, Jens Hauser, Dominic Johnson, Stéphane Malysse, Hans-Ulrich Obrist, Catherine Petitgas, Simon Shepherd, Paul Virilio, et Sarah Wilson, ORLAN, a Hybrid Body of Artworks, London, Routledge Editions, 2010. Raphael Enthoven, ORLAN, Raoul Vaneigem, Unions Libres, Mariages Mixtes et Noces Barbares, Paris, Editions Dilecta, 2010. ORLAN, Paul Virilio, Transgression, Transfiguration [conversation], Paris, Editions L’Une et l’Autre, 2009. Joerg Bader, Lorand Hegyi, Marcela Iacub, Donald Kuspit, Peggy Phelan, Eugenio Viola, ORLAN, The Narrative/Le Récit, Milan, Editions Charta, 2007. Bernard Blistène, Christine Buci-Glucksmann, Caroline Cros, Régis Durand, Eleanor Heartney, Laurent Le Bon, Hans Ulrich Obrist, ORLAN, Vivian Rehberg, Julian Zugazagoitia, ORLAN, Carnal Art, Paris, Editions Flammarion, 2004.

ORLAN est représentée par la Galerie Michel Rein, Paris, France ; la GaleriePrometeo di Ida Pisani, Milan et Lucca, Italie; Guy Pieters, Knokke, Belgique; Stephan Stux Gallery, New York, USA; Sejul Gallery, Seoul, Corée du Sud; La Galerie Helene Lamarque, Miami, USA ; Ace Gallery, Los Angeles, USA; la Galerie Holmes à Court, Perth, Australia.

 

Catherine Louveau

Femmes, corps sportif, normes de genre

La sexuation des pratiques sportives est un processus durable structurant l’histoire du sport ; elle demeure effective aujourd’hui alors que les interdits réglementaires sont levés : les sports de combat rapproché, les sports collectifs de grand terrain, les sports motorisés, de pleine nature et de glisse demeurent très majoritairement masculins, quand les danses, les gymnastiques ou encore l’équitation sont toujours, voire de plus en plus, des activités « de femmes ».

Comment l’expliquer alors que règlementairement « elles peuvent tout faire » ? La « logique interne » des activités permet d’éclairer ces processus : dès qu’elles impliquent la force, le risque, des compétences techniques, scientifiques, les armes ou les grands espaces, elles demeurent majoritairement des « territoires » masculins, des lieux – pratiques et/ou symboliques – où se construit en propre la masculinité. Plus celle-ci se joue sur le terrain de la force et de l’affrontement, du « physique », plus affirmées sont, à ce jour encore, les résistances à la venue des femmes.

 Le procès de virilisation des sportives est présent pour celles affichant un « signe sexuel secondaire » habituellement/culturellement assigné aux hommes : « trop de muscles », « trop carrées », « pas assez de poitrine », des hanches gommées. Ici sont amalgamées les grandes, les musclées, les contrôlées positives aux androgènes ainsi que les homosexuelles déclarées. C’est bien la question de la norme sexuée et sexuelle qui est en jeu ici, où sont liés le biologique et  le social. Dans un monde et une institution – le sport – où l’on ne connaît que deux catégories de sexe : les « masculins » et les « féminines », les sportives mettent au jour et en question la « masculinité hégémonique », la domination masculine ainsi que la norme d’hétérosexualité.

Catherine Louveau Professeure à l’Université Paris Sud, membre du Laboratoire CRESPPA – GTM /Genre Travail Mobilité (UMR 7217). Présidente de la Société de Sociologie du sport de Langue Française (3SLF). Membre du Comité de direction de l’Institut Emilie du Châtelet. Ouvrages : Sports, école, société : la différence des sexes, avec A. Davisse, L’Harmattan, 1998. Les femmes dans le sport : inégalités et discriminations,In. L’éthique du sport, B. Andrieu, Lausanne, éd. L’Age d’homme, 2013. Résister à la domination masculine dans le champ sportif (à paraître). Quelles conditions pour les recherches sur femmes, sexe, genre ? In Marc Bloch et la figure de l’intellectuel résistant sous la dir. de Civardi C., Gasparini W., Sock R., Editions de l’Université de Strasbourg. Inégalité sur la ligne de départ : femmes, origines sociales et conquête du sport, CLIO, Histoire des femmes, numéro spécial “ Le genre du sport ”, 24, 2006. Louveau, C., Bohuon, A. Le test de féminité, analyseur du procès de virilisation fait aux sportives In Thierry Terret (dir.) Sport et genre XIXe – XXe siècles. Paris, L’Harmattan, 2005. Sexuation du travail sportif et construction sociale de la féminité, Cahiers du genre, 36, mars, 163-183, 2004.

 

Julie Perrin

Yvonne Rainer : du neutre au lesbianisme politique

« Si mon acharnement contre l’appauvrissement des idées, le narcissisme et l’exhibitionnisme sexuel déguisé de la plupart des danses peut être considéré comme un prêche puritain, c’est aussi vrai que j’aime le corps – son poids véritable, sa masse et sa physicalité première. » Rainer – 1966.

L’œuvre et les textes de Rainer, chorégraphe et cinéaste américaine née en 1934, témoignent d’une tension progressive entre différentes représentations successives du genre. Comment passe-t-elle d’une revendication du geste neutre en 1966 à une définition d’elle-même en 1991 comme cinéaste hétérosexuelle déchue, lesbienne politique ou a-femme (Monique Wittig) ? Son engagement artistique et féministe prend la forme d’un débat ouvert qui soulève bien des questions sur l’art et les pratiques dansées aujourd’hui.

Nous examinerons sa pièce Trio A : par sa prétention au neutre (sous l’influence du minimalisme) Rainer ne se trouve-t-elle pas en désaccord avec d’autres artistes femmes du Judson Dance Theater dont elle est pourtant devenue une des porte-paroles ? En ces années 1960, le rapport de Rainer au corps dans sa dimension sexuée et charnelle semble complexe alors même qu’une autre artiste du Judson, Carolee Schneemann, en a fait le sujet et le combat de ses performances. La chorégraphe Lucinda Childs questionne également, à sa manière, la représentation des femmes, détournant dans sa danse des objets ménagers. Comment comprendre la position de Rainer, qui, dans son caractère tranché, témoigne bien d’un engagement ? Pourquoi et comment la stratégie militante de Rainer changera-t-elle radicalement lorsqu’elle devient cinéaste, s’affirmant comme militante féministe et lesbienne ?

Julie Perrin est enseignante-chercheuse au département danse de l’université Paris 8 Saint-Denis. Ses recherches portent sur la danse contemporaine à partir de 1950 aux États-Unis et en France, en particulier sur la spatialité en danse. Elle est l’auteure de : Projet de la matière – Odile Duboc : Mémoire(s) d’une œuvre chorégraphique, Centre national de la danse / Les presses du réel, 2007 et Figures de l’attention. Cinq essais sur la spatialité en danse, Les presses du réel, Dijon, 2012. Elle coordonne avec Emmanuelle Huynh et Denise Luccioni, Histoire(s) et lectures : Trisha Brown / Emmanuelle Huynh, Les presses du réel, Dijon, 2012 et avec Françoise Michel, Odile Duboc. Les mots de la matière. Écrits de la chorégraphe, Les Solitaires intempestifs, Besançon, 2012. Articles disponibles sur : www.danse.univ-paris8.fr

 

Cécile Proust

Écoute blanche

Écouteblanche de l’œuvre emblématique de Chantal Akerman : Jeanne Dielman, 23 Quai du commerce, 1080 Bruxelles.

Un protocole d’écoute vous sera proposé pour cette Écoute blanche.

Cécile Proust est danseuse et artiste chorégraphe. Elle mène femmeuses qui articule les liens entre arts et féminismes, interroge la construction des corps, la fabrique des genres et les rôles sexués.Elle est titulaire du master SPEAP-programme d’expérimentation en arts et politique, fondé par Bruno Latour à SciencesPo Paris.

Son parcours d’artiste chorégraphique se déroule auprès de chorégraphes contemporains comme Quentin Rouiller, Jean Pomares, Jean-Pierre Perrault, Josette Baïz, Odile Duboc, Alain Buffard, Dominique Brun, Daniel Larrieu, Thierry Thieu Niang, Bob Wilson, le quatuor Albrecht Knust.

Elle a signé plusieurs chorégraphies : Prémices de sable (1991) etIblis (1992), commandes du festival international de danse de Montpellier jouées en France et au Japon. Entre Chien et loup (1994) est créé au théâtre de la bastille à Paris, la scénographie est signée par le plasticien Jean-Paul Marcheschi; La lune, les sables blancs (1995) à Kyoto. Attractions étranges (1996) en collaboration avec le musicien chinois Tan Dun est donné à la Saint-Mark’s Church à New York. Lorsqu’elle est choisie par Patrick Bouchain pour une des roues du Passage de l’an 2000 sur les Champs-Élysées à Paris, elle crée avec Jacques Hœpffner, des gestes de femmes pour l’an 2000 ? Une œuvre vidéo chorégraphique. Por Paséo (2000) se déroule dans un train. Boissy 2 (2001) questionne le centre commercial des années 70 comme lieu emblématique d’un espace urbain de passage. Le bal des perceptions (2002), spectacle participatif, fait danser les foules françaises, taïwanaises et coréennes. L’installationbée (2003) dont le sujet est la bouche, est montrée dans des centres d’arts. En 2002, avec Jacques Hœpffner, elle crée Alors, heureuse?, œuvre multiforme qui interroge la sexualité du point de vue des femmes.

En 2004, elle met en place femmeuses. 26femmeusesactions voient le jour: spectacles, conférences, performances, vidéos en collaboration avec Jacques Hœpffner, entretiens, installations, programmations de spectacles, commissariat d’expositions, programmes pédagogiques. Des artistes de différents champs et des théoricien­ne-s sont exposé­e­s, invité­e­s ou collaborent aux recherches defemmeuses : Vito Acconci, Christine Bard, Gaëlle Bourges, Jessica Batut, Sylvie Blocher, Laure Bonicel, Monica Bonvicini, Sylvia Bossu, Aline Caillet, François Chaignaud, Audrey Chan, Patty Chang, Lynne Chan, Steven Cohen, Emmanuelle Chérel, Fanny de Chaillé, Maria Adela Diaz, Mathieu Doze, Andrea Fraser, Ghyslaine Gau, Ghazel, Clarisse Hahn, Jacques Hœpffner, Latifa Laabissi, Sophie Laly, Laurence Louppe, Martha Moore, Laurence Nicola, Pascal Queneau, Mickael Phelippeau, Aleka Polis, Beatriz Preciado, Elisabeth Lebovici, Vera Mantero, Laura Meritt, Zahia Rahmani, Martha Rosler, Carole Roussopoulos, Anne Lenglet, Dayna Mac Leod, Sophiatou Kossoko, Annie Sprinkle et Elizabeth Stephens, Joanna Warsza, Christophe Wavelet, Takako Yabuki.

femmeusesest reçu dans des centres chorégraphiques nationaux français (CCN de Montpellier, CCNRB de Rennes, CNDC d’Angers), dans des festivals à l’étranger (City of Women à Ljubljana, Body-mind à Varsovie, Temps d’Images à Lisbonne) dans différents musées, galeries et centres d’arts (MAC/Val, Le lieu unique, Montehermoso, Parc Saint Léger-Centre d’art où est créé femmeusesaction #15, l’exposition, ainsi qu’à Métavilla de Patrick Bouchain à la biennale d’architecture de Venise (2006).

femmeuses #19sera joué au mois de novembre 2013 au MuCEM à Marseille, l’installation qui accompagne le spectacle y sera présentée durant toute la Semaine du genre et le prochain opus femmeuses en ville y sera créé.

En réplique au spectacle de Fabrice RamalingomPostural: étude, Cécile Proust met en place actuellement femmeusesposturalE pour un groupe de 15 femmes de différentes générations en France et au Brésil.

 

 

Christine Lamothe est Chargée de mission et experte de l’œuvre d’Anna-Eva Bergman à la fondation Hartung-Bergman.

Hervé Coste de Champeron est Chargé de mission et expert de l’œuvre de Hans Hartung et Anna-Eva Bergman à la fondation Hartung-Bergman.

Elsa Hougue est responsable des relations publiques et de la communication.
Tel: 06 21 09 86 05
Email: public@fondationhartugbergman.fr

Pour toute information sur la fondation Hans Hartung / Anna – Eva Bergman et son patrimoine :

Tel: 33 (0) 4 93 33 45 92
Email: courrier@fondationhartungbergman.fr
Sur Anna-Eva Bergman: Christine Lamothe
Tel: 33 (0) 6 30 09 62 10
Email: christine.lamothe@free.fr

 

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