Si la période de la Seconde guerre mondiale marque une parenthèse singulière dans la vie de tous ceux qui l’ont traversée, elle constitue assurément le cœur du destin hors du commun de Hans Hartung (1904-1989).
Né à Leipzig en Allemagne, il s’installe dès 1935 à Paris afin d’être au centre de la création artistique la plus avant-gardiste, et développe un art abstrait gestuel. Mais sa situation précaire, son exil, ne lui permettent pas de vivre sereinement. Acculé par la déclaration de guerre, il s’engage dans la Légion étrangère française en 1939, se cache en zone libre, fuit ensuite en Espagne, et se réengage en 1944 pour combattre le nazisme. Brancardier, il est envoyé sur le front et blessé au cours de la bataille de Belfort, alors qu’il portait secours à un camarade. Il est amputé, ce qui affecte profondément son identité : il doit non seulement apprendre à vivre avec son handicap, mais il doit aussi apprendre à peindre avec un corps mutilé. L’exposition au musée Zervos se propose donc de retracer ces années de guerre pour Hartung, tant du côté de sa production artistique que de celui de son quotidien.
Les œuvres exposées s’inscrivent pour une part dans la continuité de ses productions des années 1930 : on y décèle le geste caractéristique de l’artiste, fait de formes abstraites aux vifs contours noirs et d’aplats colorés vaporeux. Mais ces années sont aussi marquées par l’expérimentation d’un étonnant vocabulaire figuratif, qu’il s’agisse de la série des « Têtes », ces visages apeurés faisant écho au célèbre Guernica de Picasso, ou de ses constructions biomorphiques et presque sculpturales marquées par la rencontre et la collaboration avec le célèbre sculpteur Julio González. Ainsi, et malgré la pénurie et les nombreux déplacements qu’il doit effectuer par sa position de légionnaire et de fugitif, Hartung continue d’innover.
Un important ensemble de documents d’époque et de photographies issus des archives personnelles de l’artiste est également présenté en vis-à-vis des œuvres, ce qui permet d’appréhender à la fois ses années de clandestinité en zone libre auprès de son épouse Roberta González, son expérience concentrationnaire en Espagne, son engagement dans l’armée et ses échanges avec les États-Unis.
Enfin, cette exposition est l’occasion d’évoquer l’estime réciproque entretenue entre Hans Hartung et Christian Zervos. Leur relation jalonne ainsi l’exposition, de leur rencontre en 1935 à la reproduction d’une œuvre de Hartung dans la revue Cahiers d’Art dirigée par Zervos en 1952, montrant la continuité dans la pratique de l’artiste rendue possible par le soutien de ses plus fidèles amis.
« Hans Hartung, les années de guerre »
Du 14 juillet au 28 octobre 2018
Musée Zervos – 84450 Vézelay
Illustration en page d’accueil:
Hans Hartung, T1943-2, 1943
32 x 62 cm
Huile sur papier marouflé sur toile
Collection Fondation Hartung-Bergman