Activités de recherche

Outre ses missions de conservation et d’exposition, la Fondation Hartung-Bergman abrite un centre de recherche. Dédié à l’étude de l’art du XXè siècle, ce laboratoire de recherche explore toutes les composantes de l’art du XXè, ses divers foyers géographiques et toutes ses variétés d’expérimentations techniques, esthétiques et théoriques, avec un accent particulier sur les abstractions.

Le soutien aux jeunes chercheurs, la promotion et la diffusion de leur projet, ainsi que leur intégration dans le tissu académique figurent parmi ses priorités. Chaque année paire, un programme biennal est inauguré autour d’un grand thème découlant du patrimoine de la Fondation Hartung-Bergman. Ce cycle de deux ans est composé de la manière suivante : trois à quatre séminaires pendant l’année 1 pour favoriser les rencontres, échanges, débats autour du thème proposé ; une à trois valorisation(s) académiques et/ou patrimoniales pendant l’année 2. Celles-ci peuvent prendre des formes variées, par exemple exposition-dossier présentée à la Fondation, publications sous forme d’ouvrages ou d’articles dans des revues, colloques filmés, documentaires, etc.

L’activité de recherches est intégrée à la villa et offre aux chercheurs des conditions de travail stimulantes et sereines, inspirées des institutions les plus soucieuses d’une réception idéale, sinon « utopique » de leurs pensionnaires : par exemple le Getty à Los Angeles ou la villa Médicis à Rome. Les aménagements uniques de la Fondation Hartung-Bergman se composent de :

  • chambres autonomes et fonctionnelles avec bureau, permettant l’accueil de 7 personnes en simultané et l’accès aux bases de données de la Fondation,
  • une salle audiovisuelle idéale pour des séminaires et des conférences,
  • une bibliothèque de 4000 ouvrages partagée entre le fonds originel de Hartung et Bergman et un fonds récent spécialement axé sur l’art du XXè siècle et les écrits d’artistes, avec trois postes de travail,
  • le fonds d’archives (environ 120 mètres linéaires), avec trois postes de travail
  • des espaces de sociabilité et de confort : les deux patios, le bassin, le parc d’oliviers, des repas individualisés.

Programme biennal 2024-2025 « Paysage et abstraction »

Sous la direction scientifique de Pierre Wat et Thomas Schlesser.

Lors des années 2024-2025, la Fondation mène un programme de recherche intitulé « Paysage et abstraction ». Il consiste, durant l’année 1 (en 2024), en une série de séminaires puis, durant l’année 2 (2025) en plusieurs concrétisations académiques et culturelles. En voici la présentation générale.

« Tout change, quoique pierre », c’est par cette formule, aux allures mallarméennes, et presque magique, que Claude Monet rend compte de son expérience à la fois onirique et cauchemardesque devant l’aspect vibrant, vivant de la façade de la cathédrale de Rouen qu’il peint en série entre 1892 et 1894.

Monet en particulier, la génération impressionniste en général, incarnent dans l’historiographie classique un moment héroïque de dilution du paysage, d’abstractisation de la nature dans une touche rapide et fragmentée, selon un paradoxe désormais bien connu : la recherche d’une fidélité totale à la vision du motif qui, s’appuyant sur le caractère instable de la perception et de la lumière, finit par faire vaciller celui-ci, par le « dématérialiser », ou le « dé-réaliser ».

On sait à la Fondation que l’abstractisation de la nature fut, pour Anna-Eva Bergman, une séquence essentielle de son cheminement esthétique, laquelle conduisit sa maturation picturale après-guerre vers des « thèmes » archétypiques, entre 1946 et 1952. On doit ainsi aux réductions, aux simplifications de l’observation de la nature des conséquences « épiphaniques » décisives – la plus fameuse étant peut-être, 35 ans avant l’épisode « bergmanien », celui de l’arbre devenant réseau et grilles chez Mondrian. S’intéresser aux liens paysage-abstraction et en dégager les grands enjeux, consiste d’abord, en guise de prolégomènes, à revenir sur ces processus plus ou moins spontanés de décantation et de révélation – où le sacré joue souvent sa part – en reconsidérant le cas d’artistes les plus connus (comme Mondrian) ou en décrivant ceux qui n’ont pas été suffisamment étudiés (comme Bergman).

Néanmoins, s’intéresser à ces liens ne saurait en demeurer à cette approche, quoiqu’elle soit attendue et fondamentale. Elle mérite d’être repensée dans la lignée des travaux les plus récents sur la question, et notamment ceux qui insistent sur le rôle fondamental de la « trace » et de la « strate » dans la conceptualisation du paysage. À l’aune de l’engouement récent (aussi bien public qu’académique, d’ailleurs) pour des expositions dédiées à Joan Mitchell ou à Nicolas de Staël, on constate l’importance des lignées d’artistes de l’ « entre-deux » ou de l’ « œuvre-frontière », oscillant de l’abstraction au paysage et du paysage à l’abstraction. Ceux-ci, revendiquant une certaine « indécidabilité », résistent aux appellations classiques et nous invitent à réviser les catégories. Ils offrent aussi bien souvent des voies d’accès vers d’autres disciplines et, bien sûr, vers les productions extra-occidentales, en particulier l’Asie.

Dès lors, s’intéresser à ces liens, pour peu qu’on fasse à chaque fois l’effort de définir et redéfinir les termes, c’est entre autres :

  • Identifier, décrire et analyser les éléments abstraits dans les premières représentations de paysages, en particulier dans des « tableaux-monde » (Weltlandschaft en allemand, selon l’expression de Eberhard von Bodenhausen en 1905) de Patinir, Met de Bles, Breughel, Mostaert ou dans les arrière-plans des écoles italiennes à la même époque (Giorgione et Titien à Venise, Vinci à Florence et Rome, etc.). Un exercice qui peut évidemment s’appliquer à toute la période moderne et engager par exemple des réflexions sur les paysages hollandais du XVIIè siècle, aussi bien dans les gravures de Rembrandt (les stries obliques ou circulaires des Trois arbres de 1643) que dans la peinture de Jan Asselijn (le manteau rouge sur fond bleu dans La brèche du Sint Anthonisdijk de 1651).
  • Comprendre comment une démarche abstraite tend parfois à recomposer un paysage mental : soit par fantasme d’une accession progressive à des plans supérieurs de la conscience (« formes-penseés » chères aux théosophes Charles Leadbeater et Annie Besant et « prises en charge » de celles-ci par les pionniers Kandinsky, Klee, Kupka…) ; soit – champ beaucoup moins exploré et très prometteur – par altération jusqu’à la folie.
  • Travailler les paysages abstraits dans les autres domaines que la peinture : paysages sous forme chiffrée et/ou modélisés aux prismes des sciences, paysages musicaux, cinématographiques voire culinaires, à l’aune par exemple de l’œuvre de Lei Saito. Dans un même registre, il s’agit aussi de comprendre ce qui dans un environnement naturel relève de la transformation en sensorialités a-référentielles : pur chromatisme ou univers olfactif (notamment dans les enquêtes ethnologiques et anthropologiques).
  • Échanger avec les musées/institutions/collections/galeries qui travaillent spécifiquement sur les liens entre paysages et abstraction et construisent un récit par des scénographies, accrochages, médiations en conséquence : le musée de Valence (France) ou le Stedelijk Museum (Amsterdam) par exemple.
 

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